Il y a ceux qui s’en plaignent et il y a ceux qui diront que leur présence permet de faire que ce salon soit l’un des plus importants du genre. Les constructeurs ne sont en effet jamais venus autant en force à Rétromobile. Visite.
Commençons par un coup de cœur. Quel bonheur de retrouver porte de Versailles la voiture qui a participé à la première édition du Circuit des Remparts d’Angoulême le 2 juillet 1939. Roger Loyer était au volant de cette Maserati 6 CM. Mais il a malheureusement été contraint à l’abandon suite à un incendie moteur. Beau joueur, il dira à son arrivée : «Je suis désolé de mon abandon forcé. Tout marchait bien jusqu’à ce que je sente que mon moteur grillait. Mais Sommer est un beau vainqueur et je vais lui serrer les mains avec plaisir». Circuit d’Angoulême qui fête cette année la marque oubliée Ballot et deux anniversaires, le centenaire de la marque MG et les 50 ans de la Lancia Stratos, Un rendez-vous à noter. Voici l’un des moments qui font de ce salon «Le plus beau garage éphémère du Monde» en rassemblant pendant cinq jours plus de 1000 véhicules et 600 exposants. Parmi eux, grands marchands, maisons de vente aux enchères, constructeurs, vendeurs de pièces détachées, restaurateurs, clubs, fédérations et bien d’autres acteurs du secteur se donnent rendez-vous à Paris pour célébrer la passion des véhicules de collection avec 125 000 visiteurs. Le coup d’envoi de la saison des voitures de collection a réinvestit ses trois pavillons historiques, les 1, 2.2 et 3 pour le plus grand bonheur de milliers de passionnés.
Les nouveautés des constructeurs en force ?
Flash-back, tout a commencé par la parade du centenaire des 24 Heures du Mans escortée par la Garde Républicaine motorisée qui s’est tenue dans les rues de Paris le soir du lundi 31 janvier dernier entre l’ACF de la place la Concorde et la porte de Versailles, avant la soirée VIP le lendemain et l’ouverture au public le mercredi matin. Débutons cette visite avec ce qui fâche certains visiteurs ronchons mais permet, avouons-le d’avoir de grands et beaux stands,comme de largement participer à l’organisation du salon, soit la présence des constructeurs qui nous éloigne forcément des premiers Rétromobile et leur côté brocante. Sur ce ni BMW, ni Honda, ni Jaguar, ni Land-Rover et ni Mercedes n’étaient présents. Regardons les dans l’ordre alphabétique qui convient. Caterham y a fait son retour après 10 ans d’absence. Pour ses 50 ans la marque britannique créée en 1973, expose trois modèles phares de sa jeune collection, dont la Caterham 340 lancée début novembre 2022. D’accord, présenté en 2022, je vois d’ici les pensées de certains amis. La marque aux chevrons axait sa présence autour d’une exposition audacieuse autour d’Oli en présentant le «Concept-char» inspiré de la 2 CV et imaginé pour les besoins du film «Astérix et Obélix : l’Empire du Milieu». Un clin d’œil plein d’humour. Les luxueuses DS E-Tense Performance et DS 9 E- Tense 4×4 360 étaient à retrouver sur l’espace DS aux côtés de DS 21 Injection et la SM. Le département Héritage de FCA au sein du groupe Stellantis était présent à travers ses marques Abarth, Alfa Romeo, Fiat et Lancia pour mettre à l’honneur ses activités de préservation, de valorisation et de promotion du patrimoine. Au menu, l’exposition d’une Alfa Romeo SZ de 1989, d’une Alfa Romeo Giulia Super Sprint de 1956, d’une Abarth 850 TC de 1964 et de la Lancia 037 de 1982 qui surent séduire. Morgan était là avec trois modèles, dont la Super 3, la PlusPlusFour et la PlusSix modèles 2023 équipées d’airbags & ESP. Oui, nous étions bien à Rétromobile et non pas au Mondial de l’Automobile. Fort logiquement, Peugeot a mis la série 4 à l’honneur. Et, à l’occasion du centenaire de la course mancelle, le lion Peugeot exposait une exclusive version 405 «Le Mans». Pour Porsche Rétromobile marquait le point de départ des festivités liées à un double anniversaire pour le constructeur allemand, les 60 ans de l’iconique 911 lancée en 1964 et les 75 ans de la marque. Parmi les modèles de la marque exposés, nous retrouvions en première européenne, la toute nouvelle 911 Dakar. Plus accessible Renault honorait les trente ans du phénomène Twingo. L’iconique citadine célébrait, via une zone entièrement dédiée proposant des modèles emblématiques, son entrée dans l’âge de collection. La marque au losange exposait également trois modèles rétrofit 100% électriques, des Renault 4, Renault 5 et une Twingo revisitée. Enfin, Volkswagen soutenait le lancement de son nouveau et très cher Combi électrique, l’ID. Buzz, à travers une exposition de ses ancêtres. L’occasion pour la marque de revenir sur une saga qui a débuté il y a plus de 70 ans. Le phénomène Van life, dont le Combi est l’emblème, occupait une place de choix.
Van life, les nouveaux nomades
Revenons-y, rencontre entre histoire et modernité, les ID. Buzz et ID. Buzz Cargo s’y exposaient donc aux côtés de trois Combi historiques, emblèmes d’une tendance qui perdure. Entre héritage et modernité, parmi les modèles historiques exposés, l’on pouvait retrouver «Little Miss Sunshine» un Combi T2 de 1972 avec sa peinture bicolore iconique. Il n’est pas sans rappeler une voiture de cinéma bien connue. Il peut accueillir jusqu’à sept passagers pour partir à l’aventure jusqu’à 125 km/h avec une puissance de 66 chevaux. S’y trouvait aussi le Combi «Heinrich», un T1 de 1967. Proposant sept places, il a été livré à l’origine aux États-Unis, à San Francisco. Il est équipé d’un moteur 1.5 litre de 44 ch. Enfin, l’on y retrouvait aussi le Combi «Costa», un T1 Camper van Westfalia de 1965, un modèle équipé d’un moteur de 44 chevaux pouvant atteindre les 105 km/h. Cette version à 4 places a été adaptée par une famille passionnée de voyage qui lui a fait parcourir 160 000 kilomètres, sans gros souci, à travers l’Europe. Une prouesse que, fil électrique à la patte, l’héritier aura quelques difficultés à atteindre. Est-ce pour palier à ce défaut que le phénomène des nouveaux nomades qui partent à l’aventure au volant de vans anciens aménagés se développe ? C’est bien connu, il en est de l’automobile comme de tout produit de luxe, pour vendre des nouveautés électriques ou pas très cher il faut vendre une histoire, les 400 de Peugeot, un concept de Citroën 2 CV Gauloise pour Astérix, des Lancia historiques pour le retour de la marque, des DS pour bien souligner d’où vient la nouvelle DS 7 et des Twingo de Renault passées à l’électrique par le Rétrofit pour ses 30 ans, heureusement le glorieux passé est là pour vendre le présent. N’est-ce pas Messieurs les constructeurs ?
Au sommet le centenaire des 24 Heures du Mans
Et au sommet de ces anniversaires celui des 100 ans des 24 Heures du Mans avec quatre expositions majeures, deux d’entre elles étant entièrement et exclusivement consacrées au centenaire des 24 Heures du Mans, en partenariat avec L’Automobile Club de l’Ouest. Rétromobile, point de départ des festivités liées au centenaire des 24 Heures du Mans, célèbrait le double tour d’horloge manceau. L’une mettait en lumière, dans le hall 1, les artisans et constructeurs qui ont brillé au Mans. Depuis la première édition, un beau jour de mai 1923, les Français, qu’ils soient pilotes ou constructeurs, ont multiplié les victoires sur le circuit manceau. Au total, 14 succès tricolores et de nombreuses victoires de classe sur 100 ans. Avant-guerre, des constructeurs comme Bugatti, Delahaye, Talbot ou encore Delage ont contribué à faire du Mans une affaire française. La période d’après-guerre a, quant à elle, été marquée par l’apogée de Matra, et, plus tard, par Renault et Peugeot, qui ont su faire la différence dans cette célèbre course d’endurance. Quant aux pilotes français, comme le quadruple vainqueur Henri Pescarolo, ils sont nombreux à avoir fait retentir la Marseillaise depuis 1923.
L’autre exposition, qui se tenait dans le hall 2, revenait sur les progrès techniques développés à l’occasion de cette course mythique, de 1923 à aujourd’hui. Des phares antibrouillard, première innovation en 1926, en passant par la première utilisation d’un moteur turbo en 1974, la légendaire course d’endurance automobile est depuis un siècle un véritable banc d’essai des nouvelles technologies. Illustration concrète, les débuts de la traction avec la Tracta Gephi de 1928 exposée sur le salon, innovation majeure pour la sécurisation de la conduite. D’autres inventions se sont démarquées par leur originalité, en témoigne la Howmet TX de 1968, avec son moteur à turbine à gaz, qui était également présentée dans le hall 2. Encore aujourd’hui, les voitures engagées sur le circuit des 24 Heures utilisent des technologies pionnières qui équiperont les voitures de demain. Les 24 Heures du Mans demeurent le laboratoire du futur de la mobilité, au cœur des préoccupations des constructeurs, manufacturiers et énergéticiens. Les nouvelles énergies comme l’hydrogène y ont trouvé leur terrain d’expérimentation, en attestera le prototype hydrogène Mission H24 2024, qui était lui aussi exposé sur le salon. Motul proposait sur son espace de 150 m2 une remontée dans le temps en reproduisant le garage du Mans de 1954, permetant aux visiteurs d’être en immersion au cœur du circuit des 24 Heures. Motul exposait, aussi, le Vagabond, ancien camion Renault AHS3 de 1945.
Une Ferrari 340 Barchetta Superleggera à 5 706 000 euros
Il est aussi des moments plus agréables que cet entre-soi qui malheureusement se croise de plus en plus à Rétromobile, ces moments où le collectionneur de voiture populaire sent qu’il n’est pas le bienvenu sur un stand où se retrouvent quelques propriétaires fortunés. Elle semble être oubliée cette époque d’anciennes éditions de Rétromobile où votre serviteur appréciait tant ces échanges entre collectionneurs de Ferrari et de 2 CV qui partageaient simplement et amicalement leur passion de la mécanique et de la voiture de collection, un saucisson et une bouteille de rouge sur le capot. En 2023 nous en sommes plus aux coupes de Champagne Moët & Chandon qui ne sont surtout pas offertes à celui qui ne porte pas le «Dress code» adéquat. C’est l’époque, très certainement et c’est bien triste. Reconnaissons que c’est un écueil auquel échappe encore le salon Epoqu’auto de notre ami Alain Guillaume à Lyon. Il est vrai que celui-ci est géré par une association de collectionneurs et non par une société commerciale. Ceci explique cela, peut-être…
Bref, comme les années précédentes, avec un stand de 4 700 m2 qui occupa une bonne partie du hall 2.2, la maison de vente aux enchères Artcurial dévoilait près de 250 véhicules remarquables, parmi lesquelles les très attendues Bugatti 57 Atalante de 1939, Ferrari 250 LM et Ferrari 250GT Lusso, toutes deux de 1964. La moitié des véhicules était proposée sans prix de réserve. Le nombre d’automobiles était cette année si important que la vente s’est étalée sur trois jours, vendredi, samedi et dimanche, à raison de sept heures de vente par jour. 35.5 millions d’euros, c’est le montant de la vente officielle Rétromobile 2023 totalisé par Artcurial Motorcars. La Ferrari 340 America Barchetta Touring Superleggera de 1951, en provenance de la Collection Bart Rosman, arrive en tête des ventes avec 5 706 000 euros. Quant à la Soucoupe Volante de la collection Renault Icons, elle a largement dépassé les estimations après avoir été adjugée à 71 520 euros, frais inclus. Au-delà des chiffres, et de l’avis des spécialistes, cette édition 2023 restera comme un grand cru de part la qualité du plateau présenté. Dans les allées du hall 1, l’on pouvait ainsi apercevoir la Bucciali V12 «Flèche d’or» modèle unique de 1932, plus de 50 véhicules authentiques des 24 Heures du Mans, soit l’équivalent d’une grille de départ , 8 mythiques Ferrari de course sur le stand Richard Mille dont l’une des 36 Ferrari 250 GTO produites entre 1962 et 1964.
Heureusement aux côtés des voitures d’exception de la vente Artcurial toujours à des prix de plus en plus exorbitants il y avait un lot de voitures historiques à moins de 25 000 euros avec quelques exemplaires intéressants. C’est un espace de vente incontournable organisé en partenariat avec Catawiki.
Retrouvailles !
Enfin citons quelques moments d’émotion comme celui de la présentation du programme 2023 des événements tant attendus de Patrick Peter, les magnifiques voitures exposées sur le stand de l’horloger Richard Mille et cette inoubliable émotion de la réunion improvisée d’anciens de Renault Formule 1 sur le stand du losange en mémoire du grand et regretté Jean-Pierre Jabouille dont l’annonce du décès est venue endeuiller cette édition de Rétromobile.
Par ailleurs, une vague de bonne humeur hautement contagieuse n’aurait pu déferler dans les trois pavillons que comptait le salon sans la présence du club des Teuf-Teuf et des Vélocipédistes qui œuvrent pour la préservation d’un patrimoine plus que centenaire tout en continuant de le faire rouler. On a également pu admirer l’exposition Dollar présentée par le club éponyme ou quelques-unes des pièces maitresses de l’histoire présentées par six musées dont l’Obéissante de 1873 prêtée par les Arts et Métiers.
Enfin, encore, le Projet Delage V12 lancé par l’association «Les Amis de Delage» commence à prendre vie. Les premières pièces étaient présentées sur le salon et les élèves des différents campus des Arts & Métiers travaillent sans relâche pour relever ce défi hors du commun.
Rétromobile est bien de retour !
Bref, pour cette 47eme édition, le salon parisien a bien confirmé son statut de salon de référence (en France) pour les passionnés de véhicules de collection. Au total, pas moins de 125 000 visiteurs ont foulé les allées de cette édition 2023, soit le 2ème meilleur score d’affluence du salon depuis sa création en 1976. Un défi relevé en pleines grèves avec, en prime, un samedi 4 février qui a battu le record d’affluence jamais enregistré sur une journée.Fidèle à sa devise «Le passé a toujours un futur», cette édition 2023 a prouvé plus que jamais que la passion et la filière des véhicules de collection est promise à un bel avenir. Romain Grabowski, le directeur du salon, et son équipe peuvent en être fiers. Rendez-vous du 31 janvier au 4 février 2024 pour la 48e édition. D’ici-là, l’équipe sera présente aux 24 Heures du Mans en participant, le 9 juin prochain, à la parade des pilotes à bord de quatre véhicules aux couleurs de Rétromobile.
D’autres articles et galeries sont à venir dans les prochains jours… A suivre.
Photos : JLB Photos pour The Automobilist.
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